46
Commencez par donner à manger aux hommes, puis demandez-leur de posséder des vertus.
Dostoïevski, Les Frères Karamazov.
Les remous provoqués par les explosions ne s’étaient pas encore calmés lorsque le Poisson-Volant remonta, impuissant, comme un bouchon, à la surface. Les yeux de Rico larmoyèrent instantanément sous l’éclat insupportable du soleil de l’après-midi qui envahissait la cabine. Il chercha à tâtons ses lunettes solaires et cligna des paupières à plusieurs reprises pour chasser l’éblouissement. À tribord, il aperçut une longue ligne grise qui devait être la côte. À bâbord, à deux ou trois kilomètres de distance, la surface de l’océan était agitée, aussi loin que portait sa vision, de remous blancs qui ne lui disaient rien de bon.
Une flaque d’eau de mer s’élargissait de manière inquiétante sous la couchette de commandement d’Elvira. Son saignement de nez s’était atténué et elle secoua la tête en essayant d’éclaircir la confusion provoquée par la première explosion sous-marine.
N’importe qui d’autre qu’Elvira serait en train de servir de pitance aux skats à l’heure qu’il est, se disait Rico.
Elle avait réussi à retourner par ses propres moyens jusqu’au sas de la chambre des moteurs, tremblante et étourdie par la déflagration. Il y en avait eu d’autres par la suite, bien trop pour qu’on pût les compter.
— Ce maudit Flatterie ne connaît qu’une seule réponse quoi qu’il arrive, grommela-t-il tout haut. C’est de tout faire sauter.
Les lumières du varech s’éteignirent autour d’eux à la surface de l’océan encombrée de débris et de tentacules brisés.
— C’est Frère Varech, déclara Elvira en suivant son regard sur les eaux tumultueuses. Il se contracte sur lui-même pour se protéger.
— Elvira, laisse tomber cette connerie de « Frère Varech » et tire-nous de là au plus…
— Appareils ennemis à dix heures ! s’écria-t-elle en montrant du doigt, par le hublot bâbord, deux points noirs qui évoluaient dans le ciel. Automatiquement, ses mains s’étaient mises à faire les gestes de la préparation à la plongée, mais les réacteurs ne répondirent pas.
— Encrassés, dit-elle d’une voix hébétée, les traits impassibles. Trop de sédiments et de… varech dans les filtres.
— Il n’y a pas à s’affoler, Elvira, lui dit Rico en lui serrant le bras. C’est eux qui ont balancé les charges. Alourdis comme ils étaient, ils ne doivent plus avoir beaucoup de carburant à l’heure qu’il est. Et puis, ça vaut mieux que d’affronter des mines à la surface.
Il défit son harnais et alla lui chercher une serviette dans l’une des armoires de bord.
— Là, dit-il. Sèche-toi bien et change-toi. Nous sommes peut-être coincés là pour un moment et il n’y a aucune raison de prendre froid.
Elle prit la serviette et il sembla à Rico qu’elle retrouvait un peu ses esprits.
— Avec son Orbiteur, de toute manière, Flatterie a les moyens de suivre les mouvements du plus petit coracle monoplace n’importe où sur l’océan, dit-il. Ces gars-là ne peuvent pas se poser à la surface et ils n’oseront pas nous attaquer avec Crista Galli à bord. La première chose à faire est de trouver quelque chose pour les tirer, elle et Ben, de l’état où ils sont, et le plus vite possible.
Une double déflagration sonique les secoua de plus belle tandis que les deux appareils de reconnaissance piquaient sur eux puis remontaient en chandelle. Rico aperçut au passage les visages des pilotes dans leur minuscule habitacle.
— Tu as vu, Elvira, comme ils sont jeunes ? Ils ont toute leur vie devant eux et ils s’enchaînent stupidement à Flatterie. Pourquoi font-ils donc ça ? grommela Rico en crispant le poing sur le bras de sa couchette. Ils devraient être plutôt en train de lutiner quelque jeune personne dans une entrée de maison. Leurs mères ne leur ont donc rien appris, à ces mômes ?
— Leurs mères ont faim, Rico. Et elles ont faim tout de suite.
Il se tourna, surpris, vers Elvira. Il avait l’habitude de lui parler sans en recevoir d’autre réponse que des grognements. Elle avait déjà quitté son harnais et luttait contre les embardées de l’hydroptère pour gagner les armoires de poupe.
— Tu ne vas pas ressortir… dit-il. La mer est en furie. Rien ne peut nous atteindre ici.
— Tu te calmes, murmura-t-elle sur un ton de commandement.
Elle ôta son costume de plongée et essuya son corps finement musclé avec une absence de pudeur tout à fait typique des Siréniens.
— Occupe-toi des autres, dit-elle. Je vais dégager les filtres.
Tandis qu’elle se glissait dans la nouvelle tenue, Rico se rendit compte que la nudité pâle d’Elvira avait exercé un effet sur lui. Même le bout de ses seins, de la grosseur d’un pouce sous l’effet du froid, semblait musclé. Il savait, tout comme elle, qu’il ne la toucherait jamais, mais la surprise causée par sa réaction le fit penser à Snej, qui lui manquait énormément en ce moment.
Ce que voulait faire Elvira était la chose la plus logique, il était forcé d’en convenir. Il dressa mentalement la liste des priorités.
Ben et Crista, pour commencer. Veiller à ce qu’ils continuent de respirer. Faire marcher la radio, se préparer à une éventuelle action de la sécurité.
Elvira pénétra dans le sas sans même se retourner pour lui jeter un coup d’œil. Il marcha jusqu’aux armoires de bord en luttant contre les mouvements désordonnés de l’hydroptère et sortit trois autres tenues de plongée. Puis il gagna la salle à manger en s’aidant des poignées incorporées à la cloison. En même temps, il écoutait, au milieu des grésillements de la radio, les conversations des pilotes dans le ciel.
— Leader Futé à Base. Avons largué nos charges. Poisson en vue. Terminé.
— Bien reçu, Leader Futé. Votre position est notée. Oiseau de proie lâché. Temps estimé trente minutes. Tenez-nous au courant.
Trente minutes ! se dit Rico.
Leur oiseau de proie devait être un hydroptère, et particulièrement rapide.
Léger aussi, par conséquent. Pas de place pour beaucoup d’hommes ou beaucoup d’équipement. Très bien. Nous leur réserverons peut-être une ou deux surprises.
La radio continuait de jacasser sur l’état supposé du Poisson-Volant et de ses occupants, mais ils furent bientôt hors de portée.
Rico se pencha sur Ben et vit qu’il était inerte. Sa poitrine ne se soulevait plus pour respirer, mais son visage avait une couleur normale. Il colla sa joue contre les lèvres de son ami et sentit un très léger souffle. Il vérifia du doigt ses pulsations au niveau du cou. Le cœur battait, mais pas plus de quelques coups par minute. Les yeux étaient toujours ouverts, mais le regard absent. Comme ils paraissaient secs, Rico ferma et rouvrit les paupières plusieurs fois pour les lubrifier, puis les laissa fermées.
Il défit le harnais de Ben et entreprit de le faire entrer dans l’une des tenues de plongée.
— Nous sommes côté surface, dit-il en espérant qu’il était entendu. Ils ont lâché plusieurs grenades sur le varech, mais je pense que les dégâts sont superficiels. Elvira est dehors. Elle nettoie les évents. Flatterie a lancé un hydroptère à nos trousses. Il va être là dans quelques instants. Il est possible que nous soyons obligés de faire trempette.
Il entendit un gémissement qui venait de Crista Galli et vit qu’elle essayait de se redresser malgré son harnais.
— Ta copine est en train de revenir à elle, ajouta-t-il. Je vais lui faire mettre une tenue de plongée. Ensuite, je prendrai le code et je mettrai le Quartier central au courant de notre situation. À part eux, tout le monde a l’air de savoir où nous sommes.
Il s’assura de l’étanchéité de la combinaison de Ben et gonfla le col, à tout hasard. Quand il se tourna vers Crista Galli, il s’aperçut qu’elle pleurait. Ses yeux rougis et gonflés étaient posés sur le corps inerte de Ben. Elle paraissait avoir maintenant conscience de ce qui l’entourait.
— Vous m’entendez ? lui demanda Rico. Vous comprenez ce que je dis ?
Bien qu’elle fût immobilisée par le harnais, il faisait attention de rester hors de sa portée.
— Oui, murmura-t-elle en hochant la tête.
— Vous avez déjà eu des réactions de ce genre ?
— Oui, répéta-t-elle d’une voix pâteuse. Une fois. Avant les injections. Je faisais semblant de prendre ses comprimés et je les recrachais plus tard.
— Que va-t-il se passer maintenant ?
Elle s’efforça de hausser les épaules.
— La même chose. Peut-être d’autres crises. Il faut… un bon moment pour que ça passe.
Elle ajouta dans un murmure rauque :
— Personne avant Ben ne m’avait traitée comme un être humain.
Rico remarqua que ses pupilles se dilataient et se contractaient spasmodiquement.
Ces drogues doivent être particulièrement puissantes, se dit-il. Maudit Flatterie !
— Nous sommes trop exposés ici, expliqua-t-il. Il faut que vous mettiez une tenue de plongée, pour le cas où nous serions obligés de nous jeter à l’eau.
Il eut, à ce moment-là, la pensée d’une chose que Flatterie devait savoir depuis le début et que le Quartier central leur avait signalée dans ses instructions : « Ne la laissez pas entrer en contact avec l’eau de mer. Elle doit être tenue à l’écart du varech. » Mais ce n’étaient que des spéculations, de simples précautions. De toute manière, ils n’auraient pas le choix si la sécurité se montrait, aussi il valait mieux ne pas y penser.
— Je vous aiderai si vous n’y arrivez pas toute seule, dit-il, mais je regrette de vous dire que j’aime autant ne pas vous toucher.
Il lui tendit la tenue de plongée à bout de bras.
— Je n’arrive pas à sortir de ce harnais, lui dit Crista.
Rico appuya sur le poussoir de sécurité et elle fut libre. Il eut un mouvement de recul, en partie par réflexe et en partie parce que l’hydroptère avait brusquement penché de son côté.
En voyant cela, elle avait pâli encore plus et ses mâchoires s’étaient serrées.
— Mais vous, qu’est-ce que vous croyez donc que je suis ? demanda-t-elle.
— Je l’ignore, dit-il. Avez-vous une idée ?
— Tout ce que je sais, c’est que je ne peux pas croire… je sais… (elle fit un geste lourd en direction de Ben) que je ne suis pas responsable de ça.
— Ce sont les drogues qui sont responsables, lui dit Rico.
Il s’efforçait de bannir toute fureur de sa voix. Elle avait besoin d’être rassurée et non d’avoir un ennemi de plus en face d’elle.
— N’oubliez pas que c’est Flatterie qui vous a obligée à prendre ces drogues, ajouta-t-il. Vous n’y êtes pour rien.
Les larmes de Crista, la manière dont elle regardait Ben avaient pour Rico l’apparence d’un vrai comportement humain.
Mais vois dans quel état elle l’a mis, se dit-il pour se rappeler à l’ordre.
— Enfilez cette tenue, déclara-t-il. Nous n’avons plus beaucoup de temps.
Crista dut ôter sa robe pour mettre la combinaison de plongée pendant que Rico s’agenouillait à côté de Ben en posant une main sur son front. Ben remua légèrement et Rico considéra cela comme un bon signe. Il semblait avoir une respiration plus forte et plus régulière.
Crista ne semblait pas avoir, elle non plus, la moindre pudeur, et elle était loin de ressembler à un monstre.
Elle a sans doute tellement servi de cobaye dans leurs laboratoires qu’elle n’a pas eu le temps de devenir timide.
Rico, tout comme Ben, avait été élevé dans un milieu îlien où l’on était plutôt pudibond. Mais il devait admettre que Crista avait les plus jolies jambes qu’il eût jamais vues. De nouveau, il pensa à Snej et soupira. Il avait l’intention de lui faire parvenir un message en même temps que celui qu’il allait envoyer au Quartier central, quand il aurait réfléchi à ce qu’il fallait leur dire. Il se tourna vers Crista Galli.
Un peu pâle, jugea-t-il.
Elle paraissait encore très faible et faisait de gros efforts pour ajuster sa tenue et mettre les rabats en place. Sa respiration était courte et saccadée. La sueur perlait sur son front, encore plus pâle que lorsque Rico l’avait vue pour la première fois au village. Ses yeux continuaient à se dilater curieusement et il nota le tremblement incontrôlable de ses jambes.
— Vous pouvez remettre votre harnais ? demanda-t-il.
Elle secoua la tête.
— Non, dit-elle d’une voix encore plus faible que précédemment. Je crois… je crois que ça recommence.
Elle retombait dans les pommes. Elle s’étendit sur la couchette, les yeux toujours ouverts.
— Vous m’entendez ? demanda Rico. Vous êtes consciente ?
— Oui, dit-elle. Oui, oui.
Il ne voulait toujours pas la toucher. Quoi qu’elle eût fait à Ben, elle avait failli le tuer et il ne voulait pas qu’il lui arrive la même chose. Il se rapprocha prudemment d’elle par derrière et mit son harnais en place, puis le boucla d’un coup sec. Il rabattit le dossier de la couchette en arrière pour qu’elle soit plus à l’aise. Elle avait encore perdu conscience.
Il se dépêcha d’enfiler sa propre tenue et remarqua que les mouvements de l’hydroptère s’étaient un peu calmés. Il entendait les cognements et les raclements produits par Elvira sur la coque et espérait que le varech ne lui causerait pas des hallucinations comme chez certaines personnes. Mais elle ne semblait pas avoir eu de problème la dernière fois.
Ce serait bien notre veine, que le meilleur foutu pilote de cette foutue planète se mette à prendre ses cadrans pour des pamplemousses.
Il y eut un raclement plus fort, comme si quelque chose de lourd et de grinçant était traîné sur toute la longueur de la coque. Puis cela recommença. C’était le même bruit reptilien que lorsque le varech s’était emparé d’eux. Il bondit de sa couchette, mais trop tard.
L’hydroptère était en train de basculer sur le côté et il fut projeté avec une telle violence contre la cloison de bâbord qu’il en eut la respiration coupée. Il vit, à travers l’essaim d’abeilles noires qui obscurcissaient sa vision, qu’ils avaient pris l’air. Il y eut une nouvelle secousse, beaucoup moins forte, et le nez de l’appareil se redressa un peu, ce qui lui permit d’apercevoir une masse de tentacules de gyflotte vers laquelle ils étaient hissés.
— Merde alors !
Il se mit péniblement à quatre pattes et entreprit de gravir la cloison inclinée en direction de la couchette de pilotage sous le panneau de plaz. S’il pouvait ouvrir un hublot et tirer sur la créature avec son laser…
C’est alors qu’il eut un aperçu de la taille monstrueuse de cette gyflotte. Elle devait bien faire cent mètres d’envergure et ses deux tentacules principaux maintenaient l’hydroptère à peu près à la même distance du corps. Le plus mince de ses tentacules avait une épaisseur supérieure à celle d’un homme.
Ils étaient déjà à une centaine de mètres de la surface et ils continuaient à s’élever dans les airs.
Quand nous avons basculé… Elle a dû vider pas mal de ballast pour pouvoir nous soulever.
C’est alors seulement qu’il pensa à Elvira et se pencha pour voir la mer au-dessous de lui. Elle y était, sa tenue gonflée, flottant sur le dos. Elle devait le voir, mais elle ne lui fit pas signe.
— Merde !
Il ne pouvait pas lui jeter une fusée, ni essayer de mettre les réacteurs en route. Cela risquait de faire exploser les centaines de mètres cubes d’hydrogène contenus dans la monstrueuse créature qui tenait maintenant le Poisson-Volant serré à l’envers contre son ventre orange. Rico n’avait jamais vu de gyflotte d’aussi près, mais il en avait vues exploser. La première colonie de Kalaloch avait été anéantie par une gyflotte beaucoup plus petite que celle-ci. Six cents personnes avaient été brûlées vives dans un enfer de flammes. Il avait fait le reportage pour l’holovision avec Ben.
Le plus terrible n’était pas les morts, mais les rescapés. Ben n’avait pas voulu se contenter du truc habituel, les gros plans sur les chairs carbonisées et les os à nu, les gens tremblants, les cris et les vomissements.
« Filme leurs yeux, lui avait-il dit, et laisse-moi faire le reste. »
Ben leur avait posé des questions sur leur vie et non sur l’explosion. Les témoignages des mourants et des agonisants avaient rempli dix-huit heures de bande avant l’attaque des capucins. C’étaient les scènes que Rico avait tournées sur les membres de l’équipe de l’holovision en train de défendre leur propre peau contre une douzaine de meutes de capucins déchaînés au milieu de toute cette chair humaine qui avaient glacé les holospectateurs dans le monde entier.
Il vit que la côte se rapprochait rapidement et que les nuages noirs s’accumulaient derrière eux. Il espérait que le poids de l’hydroptère ne ferait pas perdre trop d’altitude à la gyflotte et qu’elle pourrait franchir les falaises grises qui s’élevaient devant elle. Il rampa jusqu’à la cabine, sur le plafond, et s’assit au-dessous des couchettes de pilotage. Cette colossale créature avait une destination en tête et cette destination était la terre ferme. Si elle ne réduisait pas l’hydroptère en miettes contre la falaise, il y avait des chances pour qu’elle l’écrase au sol.
Il essayait d’estimer leurs chances et le résultat n’était pas très encourageant. Mais il espérait tout de même qu’ils franchiraient le bord de la falaise. Il se demandait si le Quartier central avait un plan d’urgence pour un cas comme celui-ci. Il espérait qu’ils parviendraient à secourir Elvira avant l’arrivée des hommes de Flatterie. Il préférait ne pas imaginer les conséquences, dans le cas contraire.
Juste avant qu’ils atteignent la falaise, la tempête quotidienne s’abattit avec rage. Le ciel s’assombrit subitement autour de lui et les nuages d’un gris laser typique se mirent à tourbillonner.
Pourvu qu’il n’y ait pas d’éclairs, se dit Rico. Ce serait la fin de tout.
Les nuages, par contre, leur étaient utiles. Dans la tempête, les engins de reconnaissance de Flatterie et ses moyens de détection à bord de l’Orbiteur perdaient toute leur utilité.
Les secousses étaient de plus en plus violentes à mesure que le vent les entraînait vers la terre. Rico était assez près de la falaise pour distinguer les marques sur le dos d’une platelle lorsqu’un violent courant ascendant lui coupa la respiration. Il crut qu’ils allaient passer de justesse, mais l’arrière de l’hydroptère heurta le bord de la falaise, catapultant l’avant contre le ventre de cuir de la gyflotte.
Sans harnais, Rico fut projeté en tous sens comme un pantin dans la cabine. L’hydroptère dégringola le long de la paroi rocheuse tandis que la gyflotte dégonflée s’affaissait sur lui. Lorsque tout mouvement cessa enfin, Rico se retrouva à moitié assommé en travers du pare-brise de plazverre de la cabine. Tout ce qu’il pouvait voir sous l’ombre immense de la gyflotte était un gigantesque nuage de poussière bleue. Il fléchit prudemment les bras et les jambes, toussa pour s’assurer qu’il n’avait aucune côte cassée. Il avait mal partout, mais il était encore en un seul morceau.
Bravo ! Ne pas la laisser entrer en contact avec le varech, qu’ils ont dit. Mais nous y voilà plongés jusqu'au cou !
Il essaya de retrouver son calme, mais quelques inspirations profondes ne réussirent pas à faire cesser le tremblement de ses mains. Il espérait que l’hydroptère était tombé jusqu’au bas de la falaise. L’idée qu’il pouvait être resté accroché quelque part au milieu ne le réjouissait pas tellement.
L’averse quotidienne s’abattit soudain sur l’hydroptère et la gyflotte qui le recouvrait en partie. Rico se mit à penser à Elvira, en plein océan sous la tempête. Ses chances de s’en tirer étaient voisines de zéro. Elle faisait peut-être déjà partie du « Frère Varech ».
Au moins, il ne doit plus rester beaucoup d’hydrogène dans ce monstre, se dit-il.
Il essaya les lumières de la cabine et la radio. Quelques lumières fonctionnaient encore, mais la radio était morte. Il respira un bon coup dans l’atmosphère de la cabine saturée de poussière de varech et se dirigea lentement vers l’arrière pour voir où en étaient Crista et Ben.